Chloé Loneriant et Les Fleurs d’Ici
Direction artistique, flûtes bansuri et chant: Chloé Loneiriant
Flûtes à bec: Rose Chevrier et Emma Crumpton
La flûte bansuri, flûte traversière en bambou d’Inde du Nord, n’est devenu un instrument classique qu’au siècle précédent, et a été popularisée mondialement par le légendaire Hariprasad Chaurasia dès les années soixante. C’est à partir de son héritage à lui que Chloé Loneiriant crée son style à elle, puisant dans son bagage de flûtiste classique occidentale, et croisant aussi l’approche mélodique du chant Dhrupad, tradition classique qui se réclame être la plus ancienne d’Inde du Nord actuellement.
Le répertoire improvisé et composé de la musique classique d’Inde du Nord est défini par les raags (ou ragas), ces modes mélodiques qui évoquent des états émotionnels précis habituellement associés à un moment du jour, de la nuit, ou à une saison. Ce même répertoire est construit sur un bourdon, généralement joué par la tanpura, un instrument à cordes pincées. Cependant, le son de cet instrument est souvent associé à l’Inde dans un exotisme qui ignore la profondeur d’une musique savante. Inspirée par la tradition des hautbois indiens (shehnai), qui remplacent les tanpuras par d’autres hautbois pour obtenir un bourdon, Chloé prend le parti de remplacer les tanpuras par des flûtes de la tradition européenne ancienne et moderne. Elle cherche par cela à sortir le répertoire classique indien de son cadre traditionnel afin de l’ancrer dans le territoire qu’elle habite désormais, et où les luthiers de tanpuras n’existent pas. Emanciper son art d’une dépendance à un lointain est une façon de l’inscrire dans une démarche écologique, mais surtout une manière de réaffirmer toute la pertinence de la tradition mélodique indienne, même hors de son contexte social, en révélant des principes physiques qui transcendent les identifications géographiques. Il s’agit d’une ré-appropriation culturelle soutenue par l’intuition que cette musique est en son essence, universelle et intemporelle.
La relation maître-disciple indienne, faite d’échanges formels et informels, mène les élèves à accompagner leur professeur sur scène ou en enregistrement; un rôle musical effacé mais permettant d’acquérir d’autres compétences par l’observation participative. L’idée de ce projet est aussi née par l’entremise d’une relation de transmission que deux des flûtistes ont eue sur plusieurs années. Toutefois, pour le projet proposé, Chloé Loneiriant cherche à donner plus de place aux accompagnatrices que de coutume. Par une recherche déjà entamée, elle place ses accompagnatrice comme remplaçantes des pakhawaj et tablas (percussions indiennes qui tiennent les cycles rythmiques) en plus des tanpuras, et leur fait jouer avec des allusions aux sitars, histoire d’aller voir tout ce que peuvent faire 3 flûtes en autonomie avec leurs différents bagages musicaux. Utilisant les techniques étendues de musique classique contemporaine occidentales (beatbox, multiphoniques, chant dans la flûte…), les flûtistes revisitent le timbre de chaque instruments, ses harmoniques, ses possibilités, ses rôles. Les flûtes utilisées sont rarissimes sur la scène actuelle (flûtes renaissances basses, flûte Petzold moderne basse), et la flûte bansuri jamais utilisée dans ce contexte. La proposition est complètement innovante, originale et singulière, tout en menant à un résultat poétique et respectueux du language musical classique indien.
Le titre « Les fleurs d’ici » fait référence à un raga revisité, Basant, évoquant le printemps, ainsi qu’aux ornements de musique ancienne qui trouvent leur équivalent en musique indienne. Finalement il rappelle l’intention de départ, c’est-à-dire celle d’ancrer et adapter un language dans un territoire géographique de proximité.
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